L’année 2023 signe les vingt ans de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) adoptée par l’Unesco. Introduisant un nouveau paradigme dans le champ patrimonial, cette convention a été ratifiée massivement et en quelques décennies par plus de 180 États parties. Pour autant, l’adhésion n’est pas unanime. Certains États ont décidé de ne pas faire partie des signataires. Quelles en sont les raisons ? Quelles sont les actions menées par différentes communautés présentes au sein de ces États pour faire vivre leur patrimoine vivant ? En contrepoint, certaines communautés ne peuvent pas intégrer ce dispositif en l’absence de statut étatique. Comment s’organisent les peuples sans État qui ne peuvent pas adhérer à l’Unesco pour faire reconnaître les pratiques, connaissances et savoir-faire dont ils sont détenteurs ? Par ailleurs, au sein des États parties, les choix politiques liés à la question des communautés et des minorités influencent l'accès aux candidatures. Pour les communautés ayant relativement peu accès aux outils de la convention, quelles sont les stratégies imaginées et déployées en matière de patrimoine vivant ?
L’ensemble de ces aspects singuliers sera au cœur du colloque organisé conjointement par l’ethnopôle Centre français du patrimoine culturel immatériel (CFPCI) et Bretagne Culture Diversité (BCD) afin d’explorer au travers d’exemples concrets les prises de positions, les stratégies et les enjeux à l’œuvre hors des cadres de l’Unesco et/ou de la Convention de 2003.
Avec le soutien de la direction générale des Patrimoines et de l’Architecture, du ministère de la Culture et de la Ville de Vitré, en collaboration avec les universités Rennes 2 et Bretagne Occidentale, en partenariat avec Bretagne Culture Diversité (BCD).
PROGRAMME
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Chérif Khaznadar, fondateur de la Maison des Cultures du Monde – CFPCI
Tudi Kernalegenn, directeur de Bretagne Culture Diversité
Isabelle Le Callennec, maire de Vitré
En 1999, l’Unesco a été autorisée à étudier la faisabilité d’une Convention pour la sauvegarde du PCI, et en 2001, à commencer la préparation d’un avant-projet de convention grâce à l’action persistante du secrétariat de l’Organisation, qui incluait la mobilisation de réunions d’experts et du programme de la Proclamation des chefs-d’oeuvre. Ce programme, ainsi que la perspective croissante d’une convention, furent critiqués – systématiquement – pendant des années par certains pays, et chaleureusement applaudis par d’autres. Dès 2003, un compromis a rendu possible l’adoption – anticipée et quasi unanime – de la Convention de 2003, qui fut suivie par une adhésion massive – déjà par cent pays en juin 2008, maintenant par 181 pays. Huit pays se sont perceptiblement abstenus pendant l’adoption de la convention, dont six n’ont pas ratifié à ce jour. Même si on ne peut pas connaître avec précision les motivations liées au choix de ratifier ou non la Convention de 2003, celles-ci semblent toutefois s’inscrire dans des logiques divergentes qu’il conviendra d’esquisser.
Qu'il s'agisse ou non de mettre en œuvre la Convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, les artistes, les « détenteurs » de la culture et les communautés pour qui le patrimoine culturel immatériel fait l'objet d'une attention particulière doivent être pleinement impliqués dans tous les efforts de sauvegarde et de valorisation. Cette présentation examine les priorités et les considérations clés pour construire des approches collaborativesguidées par la communauté, et s'appuie sur des exemples de programmes et d’initiatives en cours associés au cadre du "folklore public", une discipline de longue date, une profession et une infrastructure dédiées au soutien du patrimoine culturel immatériel de la population aux États-Unis.
Cette communication se concentrera sur le chemin parcouru par l’Afrique du Sud pour ratifier la convention et sur l’état actuel de la ratification. Elle se penchera également sur le travail récemment accompli en ce qui concerne la mise en œuvre de la convention. Il s’agira également de présenter les inconvénients liés au fait d’avoir entamé ce processus bien plus tard que les autres États parties à la convention.
Malgré la non-ratification du Canada de la Convention de 2003 de l’Unesco, le Québec prévoit certaines dispositions juridiques et administratives. Les sujets abordés lors de la conférence seront : les inventaires du patrimoine immatériel à l’échelle municipale et provinciale, les rapports du Conseil québécois du patrimoine vivant (CQPV) lancés dans la collection « Les traditions culturelles du Québec en chiffres », ainsi que l’action gouvernementale et l’action associative.
S’appuyant sur treize ans de plaidoyer en faveur de la ratification de la Convention de l’Unesco de 2003 concernant le patrimoine culturel immatériel et six ans d’expérience en tant qu’ONG accréditée par l’Unesco, Daniel Carpenter et Mary Lewis expliquent comment l’organisation caritative « Heritage Crafts » a développé sa propre méthode de veille quant au domaine de l’artisanat traditionnel, avec des éléments empruntés à l’Union internationale pour la conservation de la nature et à l’organisme Rare Breeds Survival Trust (RBST). Ils souhaitent revenir sur quatre éditions de la Liste rouge des métiers d’art en péril, y compris sur la réaction des promoteurs des pratiques en péril, du grand public et des médias nationaux. Ils discuteront des efforts récents pour établir une méthodologie en mesure d’inclure sur la liste des pratiques artisanales d’une importance singulière pour les régions géographiques et les groupes culturels, y compris les peuples apatrides tels que les communautés gitanes, roms et les gens du voyage, afin de rendre le projet plus conforme aux idéaux de justice sociale qui sous-tendaient à l’origine la Convention de l’Unesco.
Cette présentation mettra l’accent sur le fait qu’un régime juridique efficace protégeant le patrimoine culturel immatériel ne peut se limiter à la Convention de l'UNESCO de 2003. En effet, cette convention se limite aux programmes de patrimonialisation consensuels, alors que de nombreuses questions relatives à la participation des détenteurs/porteurs du patrimoine sont conflictuelles avec les États. Il est donc important de prendre également en considération d'autres fondements juridiques, telles que les droits culturels, afin de garantir une protection plus objective du patrimoine culturel immatériel et, partant, de la diversité culturelle sur les territoires nationaux.
À part quelques exceptions, il est surprenant qu'aucun des trois pays du Sápmi - Norvège, Suède, Finlande - n'aient proposé l'inclusion d'éléments samis dans leur inventaire du patrimoine culturel immatériel : ni les juoigos (chants samis), ni le savoir ethnoécologique, ni même leur art et artisanat. Ces États sont-ils portés à proposer le patrimoine culturel de la majorité plutôt que celui de la minorité autochtone ? Les Samis eux-mêmes, déjà sur tous les fronts, ceux de nombre d’institutions internationales et des luttes qu’ils mènent en justice pour faire reconnaître leurs droits territoriaux n’en ont-ils pas le temps? Leurs parlements, chargés d’abord des questions linguistiques ou culturelles, revendiquent un rôle de gouvernance. Les conflits ou complexités autour des sites du Patrimoine mondial Unesco pourraient être une piste. À partir de quelques exemples nous identifierons la richesse du patrimoine immatériel sami et les freins politiques et culturels qui empêchent leur inscription.
Les représentations portées sur les populations gitanes, ou plus largement tziganes, sont très différentes suivant le prisme par lequel on les observe. En s’intéressant à la musique ou à l’art en général, leur image sera sublimée. Une fois l’instrument de musique reposé dans son étui, l’artiste laissera place au « voleur de poules ». En se mobilisant pour inscrire la rumba gitane sur la Liste représentative du PCI de l’Unesco, nous proposons d’offrir un regard nouveau sur la culture de l’Autre. L’enjeu est à la fois de modifier les représentations « folklorisantes » portées sur ces populations, mais aussi de permettre aux détenteurs d’être les propres acteurs de ce vaste chantier et de cultiver une image positive d’eux-mêmes. Toutefois, les freins se révèlent nombreux de part et d’autre, et en particulier concernant les fantasmes liés à une inscription à l’Unesco. Que peut-on attendre d’une telle démarche ? Quelles pourront-être les retombées et les conséquences ?
Cette présentation explore les relations spirituelles, culturelles et juridiques entre deux communautés San en Namibie et la terre sur laquelle elles vivent. Le travail photographique est le fruit d’un projet de recherche collaboratif en quête de nouvelles façons de représenter le droit : non simplement comme un ensemble de textes codifiés, mais en dépeignant également les revendications territoriales de ces communautés d'une manière qui puisse rendre justice à un sens incarné et spirituel du droit vivant.