La compagnie Figli d’Arte Cuticchio est une troupe familiale bien connue de Palerme fondée par Mimmo Cuticchio en 1977, lui-même fils du célèbre marionnettiste Giacomo Cuticchio (1917-1985). Elle œuvre à la connaissance et à la sauvegarde de l’Opera dei Pupi, un art qui s’est développé dans le sud de l’Italie dès 1700 et a prospéré dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Chaque ville de Sicile disposait alors d’une compagnie professionnelle de pupi qui s’apparentait à une entreprise familiale. Les spectacles de pupi siciliani relatent les histoires et poèmes épiques de l’époque médiévale, tout particulièrement celles des paladins de France. Les acteurs recréent l’univers des preux chevaliers avec des scènes de batailles qui soulignent la dextérité des pupari. En maîtrisant toutes les étapes de la réalisation d’un spectacle - de la sculpture des armures à la taille du bois pour les corps, en passant par la peinture des scènes et des panneaux jusqu’à la création des costumes - les fils et les neveux de Giacomo Cuttichio s’inscrivent dans cette longue tradition.
« La folie d'Orlando ou le merveilleux voyage d'Astolfo vers la lune » est l'un des chapitres les plus visionnaires de l'Opéra dei Pupi, tiré du 34e chant du poème Orlando Furioso (1516) de Ludovico Ariosto. Celui-ci raconte les aventures de Charlemagne et décrit les passions amoureuses qui distraient les combattants de leurs devoirs, tout en parsemant le récit d’épisodes fantastiques figurant monstres et magiciens. Dans l’épisode concerné, le paladin Orlando est épris de la princesse Angelica qui est tombée amoureuse de Medoro. Orlando devient alors fou de jalousie. Astolfo, son fidèle compagnon, se rend sur la lune en montant l'hippogriffe, le fabuleux cheval ailé, pour y rencontrer saint Jean l'Évangéliste. Ce dernier lui accorde son aide pour ramener Orlando à la raison.
Les marionnettes mesurent de 60 à 70 cm : montées sur une tige de bois, elles sont richement décorées et dévoilent un visage délicatement sculpté. En 2001, l’UNESCO a proclamé cette forme de théâtre de marionnettes « chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité » et l’a inscrite en 2008 sur la Liste représentative. Le fait qu'aujourd'hui encore - comme dans la plus pure tradition - tous les personnages d'un spectacle de pupi parlent/chantent à travers la voix d'un seul puparo, dans cette forme typique qu'est le recitar/cantando (réciter-chanter), ne fait que sceller définitivement les liens de ce spectacle à l'histoire de cette île magnifique plantée au centre de la Méditerranée, pont et croisement de cultures millénaires.
À partir d’un texte de Franco Laera