Dorival Caymmi, compositeur bahianais disait dans sa célèbre chanson Samba da minha terra, « quand on chante [la samba de Bahia], tout le monde remue“, associant directement la musique à la danse. La tradition de la samba vient de la samba de roda qui est une ronde formée par les participants qui chantent, tapent des mains et dans laquelle on entre et on sort individuellement après avoir exécuté quelques pas de danse.
Les spécialistes s’accordent sur le fait que l’origine de la samba est à Bahia, c’est-à-dire dans la région où a commencé la colonisation portugaise et où le trafic d’esclaves depuis le continent africain a été important. Salvador de Bahia est en terme démographique et culturel très marquée par la culture afrodescendante. Les terreiros de candomblé, communautés liturgiques et culturelles des descendants d’Africains, ont servi de matrice spirituelle, symbolique et musicale. Les termes de la sociabilité des afro-brésiliens ont été transmis de génération en génération à partir de cette religion et de la fête (carnaval, samba, etc.). La samba, d’origine africaine, est un style brésilien métis aux influences autochtones et européens, souvent présentée comme étant plus qu’un style musical, une philosophie de vie.
Traditionnellement, la samba repose sur un principe d’ouverture : les participants peuvent facilement passer de public à musicien ou danseur et inversement. En fait, la structure rythmique et mélodique initiale est fixée mais la musique donne lieu à des improvisations dans lesquelles chanteurs et musiciens peuvent se succéder. Dans ce scénario, tout objet du quotidien devient instrument : une assiette, un peigne, une boite de conserve, une boite d’allumette, une bassine... L’industrie musicale a participé à fixer les morceaux mais la musique continue à obéir à ces règles d’improvisation dès que le contexte s’y prête…
Les paroles des sambas sont conçues et basées sur l’échange d’opinion, on y fait part de ses fantaisies ou de ses frustrations, et parfois, elle se prête au genre de la chronique. L’utilisation des proverbes y est fréquente car nombreuses sont les situations du quotidien qui y sont décrites sur le mode satirique.
La samba (appelée le samba au Brésil) a longtemps été considérée comme « une musique de noirs et de voyous » (Donga) et de ce fait, comme la plupart des formes culturelles africaines au Brésil, persécutée. Mais la samba est devenue au début du XXème siècle une manifestation essentielle de l’identité nationale grâce à une collaboration entre intellectuels et musiciens à Rio de Janeiro. Il existe une journée de la samba, le 2 décembre et la « samba de roda », une des variantes du style à Bahia a été reconnue patrimoine immatériel brésilien.
La samba est souvent le symbole de la résistance car elle a su créer un continuum, un parler afrodescendant avec les codes symboliques et langagiers qui lui sont propres. Les rythmes sont très travaillés et ont pour principe la syncope ; caractéristique partagée avec d’autres styles musicaux de la diaspora africaine come le jazz ou le funk par exemple. Il existe de nombreux styles de samba (samba de roda, samba chula, partido alto, pagode, samba canção etc.) et des particularités régionales. Ainsi la samba de Salvador n’est pas la samba de Rio de Janeiro. Les influences (autochtones, européennes, internationales) sont distribuées différemment, en quelque sorte.
À la différence de Rio de Janeiro où la samba occupe une place de choix dans le scénario carnavalesque, à Salvador de Bahia, la samba est très présente dans les rencontres entre amis, les bars, les fêtes familiales et autres moments de rencontres et célébrations. Paradoxalement, Salvador de Bahia qui a vu naître la samba n’a pas été l’État brésilien qui l’a le plus mise en valeur, si ce n’est avec des produits musicaux carnavalesques comme le samba reggae qui en est en quelque sorte un dérivé.
Les compositeurs, même parmi les plus connus, ont souvent eu des professions qui leur garantissaient un revenu de base. On retrouvait des menuisiers, des peintres en bâtiment, pêcheurs etc. Aujourd’hui à Salvador, une classe moyenne jeune et qui a eu accès à des études supérieures s’investit dans la samba de Bahia et permet de donner une visibilité nouvelle à la vieille garde qui pâtissait souvent d’un manque de moyens et de production, renforçant au niveau professionnel l’aspect intergénérationnel déjà présent dans les formes initiales de la samba.
Julie Lourau