Dans ce « tut'ethno », la Maison des Cultures du Monde invite les enfants à fabriquer une percussion et à apprendre un rythme cubain en écho à la venue prochaine du groupe cubain San Cristóbal de Regla.
Le groupe San Cristóbal de Regla a été fondé en 1953 dans le quartier de la Havane nommé Regla, l’un des anciens ports de débarquement des esclaves. Aujourd’hui dirigé par Andres Balaez, l'ensemble réalise au quotidien des rituels associés à la pratique des différents cultes afro-cubains. La famille Balaez est l’une des grandes familles de musiciens de l’île, véritable dynastie au sein de laquelle les secrets du savoir musical se transmettent de père en fils.
À Cuba, la relation des hommes avec les esprits donne lieu à un ensemble de cultes découlant d’un long processus de syncrétisme interafricain et afro-européen. Ces derniers sont associés à des répertoires musicaux spécifiques. Chaque répertoire se distingue linguistiquement et musicalement, avec un ensemble percussif propre, tout en reposant sur la différenciation des esprits sollicités : les saints catholiques, les orichas ou divinités associées à des croyances de type animiste, les forces de la nature ou mpungus, et les « morts » (muertos). Les orichas sont invoqués par des chants en langue yoruba tandis que les muertos – d’anciens esclaves africains pour la plupart – le sont en espagnol ou en langue kikongo de la famille bantoue. La santería et le palo monte ont vu le jour pendant la période coloniale dans les cabildos de nación composés d’esclaves africains, d’Africains libres et de leurs descendants nés à Cuba. Tout en tolérant leurs fêtes, rites, musiques et danses, ces sociétés d’entraide, dites aussi confréries catholiques, étaient en réalité conçues dans l’intention d’intégrer la population africaine, en la christianisant, dans des institutions de culture espagnole sous le patronage d’un saint catholique.
Quel que soit le contexte, le chant prend une forme responsoriale : pendant les rituels de santería, les adeptes répètent en chœur le refrain, tandis que les frappes des tambours batá et le rythme des hochets güiros invitent à la danse ou à la transe. À La Havane, les musiques afro-cubaines englobent principalement trois grandes traditions liées à diverses populations africaines : lucumi renvoie pour l’essentiel aux Yorubas du Nigéria, congo est associée à la culture bantoue d’Afrique centrale et abakuá se réfère à la population Efik du Nigéria. En tant qu’officiants, les musiciens exploitent de manière créative les systèmes mélodiques et les motifs rythmiques associés aux différents corpus musicaux, dans une polyrythmie remarquable. Aujourd’hui, ces musiques sont associées aux notions de dignité, d’égalité et se veulent représentatives de la culture cubaine. Pour ce premier voyage en Europe, San Cristóbal de Regla emporte ses différentes percussions afin de partager avec le public la richesse de son répertoire, qui reflète la complexité de l’héritage artistique et spirituel cubain contemporain.
À partir d’un texte d’Ana Koprivica
Dans le cadre du 24e Festival de l'Imaginaire
Cycle « Musiques, danses et rituels : les pouvoirs du son »