À Porto-Novo, capitale du Bénin, le terme Ajogan désigne à la fois les rites, chants et ballets liés aux collectivités royales des Gùn, mais également les instruments de musique sacrés.
La vie économique bunun est fondée sur l’agriculture et plus particulièrement la culture de diverses espèces de millet qui font l’objet de rites complexes et de tabous tout au long du cycle agraire. S’ajoutent à cela la chasse et l’élevage des porcs, également entourés de rites et d’interdits. L’autorité politique est entre les mains des chamanes-guérisseurs ou des guerriers chevronnés (autrefois chasseurs de têtes) appelés mamangan, détenteurs d’une force spirituelle peu commune.
Leurs chants, le plus souvent responsoriaux, se caractérisent par une polyvocalité : ils seraient la voix des ancêtres sortis brusquement sur la terre dans un nid d’abeilles sauvages, déchiré par la chute du grand arbre originel et venus enseigner à leurs descendants les harmonies produites par les vibrations des ailes des insectes. Ces harmonies sont considérées comme des prouesses vocales nécessitant une aide supra-humaine. Les Bununs ont poussé leur musique à un rare degré de développement harmonique.
Les chants sont étroitement liés à leur environnement avec des chants de chasse qui invoquent les esprits des animaux, des prières qui appellent la pluie ou les chants de germination du millet. Nommés pasibutbut, ces derniers sont exécutés au moment des semailles par un groupe d’hommes formant un cercle. Ce chant, exécuté sur les voyelles U-I-O-A, explore de façon remarquable les diverses possibilités harmoniques qu’offre l’échelle chromatique. Les chants de guérison et les chants d’invocation des esprits sont, quant à eux, exécutés principalement par le chamane lors des rites thérapeutiques.
D’après Pierre Bois,
ethnomusicologue, conseiller artistique
de la Maison des Cultures du Monde de 1988 à 2016.