À l’heure où le numérique s’immisce dans toutes les expressions artistiques, la danse s’affirme toujours comme un art profondément humain. N’étaient les parades nuptiales de maintes espèces animales, on pourrait dire en paraphrasant Rabelais que la danse est le propre de l’homme.
Pionnière depuis 1982 dans la défense, la diffusion et la promotion des arts vivants traditionnels et plus généralement du patrimoine culturel immatériel, la Maison des Cultures du Monde ne peut que se réjouir de cette exposition des photographies de François Guénet sur les danses du monde. Car, ne se contentant pas de saisir depuis quelques années les instants merveilleux du Festival de l’Imaginaire, le photographe se fait aussi ethnologue et nous propose en outre quelques images prises « dans leur jus », en Afrique, dans l’Himalaya et autres lieux.
Au-delà de la fragilité de patrimoines souvent populaires et ruraux, donc menacés par la modernité et une vision occidentalo-centrée de la mondialisation culturelle, cette exposition fait découvrir au visiteur des pratiques originales, vivantes, certes sensibles aux influences extérieures, mais de manière empirique et bien éloignée de notre bêlante frénésie d’interculturalité.Bien au contraire, ces expressions tantôt modestes, tantôt spectaculaires nous rappellent à des questions fondamentales sur la place de l’homme dans la société, sur son rapport à une nature indomptable qu’il tente tout au plus d’apprivoiser par une négociation permanente avec des forces invisibles : ce sont les danses chamaniques inspirées notamment par les parades animalières, les danses de possession où esprits et génies se gobergent de rythmes, de fumées et de parfums, les danses d’extase qui visent à la fusion avec le divin, les danses de masques qui accompagnent l’initiation, les funérailles, les grands rituels calendaires et où quelques morceaux de bois, quelques fétus de paille suffisent à recréer symboliquement de puissants mythes fondateurs. Ce sont enfin les danses sociales comme ces danses villageoises où s’exprime l’appartenance à un groupe, à un « habitus » collectif, ou ces ballets de cour composés par de nobles esthètes sur un poème, un conte, un récit épique ou historique.
Ces images nous montrent un art total : un art du geste, de la musique, du théâtre, du costume, un art de l’illusion et de l’ellipse où la scénographie se construit dans l’imaginaire des danseurs et des spectateurs, un imaginaire fait de mythes et de croyances qui, sans cette danse justement, serait voué à se dissoudre une fois pour toutes dans notre univers matérialiste.
Pierre Bois
François Guénet
Après des études à Paris et à Londres, notamment au Royal College of Art, François Guénet fait ses débuts de photographe au groupe France-Soir en 1973. Il a travaillé pour le SIRPA, différentes agences de presse dont Rush-Viva, Gamma et Rapho. Grand reporter au Figaro Magazine de 1981 à 1994, Il collabore régulièrement avec de nombreux magazines: Paris-Match, Géo, Le Figaro Magazine, VSD, Sciences & Avenir, Animan, National Geographic, Grands Reportages, Epoca …
Spécialiste des reportages sur l’ethnographie, l’Art et les civilisations (Papous, Maya, Khmer, Egypte ancienne…), François Guénet est aussi photojournaliste de politique internationale et a couvert depuis 1976, les conflits armés en Iran, Irak, Liban, Afghanistan, Golfe. Il a aussi réalisé une trentaine d’interviews de chefs d’États.
De 2000 à 2003, il a été le collaborateur de Jean Nouvel chargé de l’élaboration de la muséographie et de la scénographie du Musée du Quai Branly.
Il a reçu le Grand Prix Marc Flament décerné par le Ministre de la Défense en 1995.