Cette soirée musicale met à l’honneur deux patrimoines musicaux basés sur des techniques vocales singulières, ainsi que des formes poétiques élaborées – en amharique et en italien florentin – qui interrogent la foi des hommes et les voies de la rédemption, dans des expressions parfois allégoriques.
L'ancestrale bagana est un instrument à cordes qui occupe une place particulière dans l'univers sonore des Amhara chrétiens d'Éthiopie. Ses sons graves et grésillants et sa symbolique puissante suscitent une émotion intense et palpable, en particulier pendant la période du Carême (tsom). Considéré comme l'instrument donné par Dieu au roi David, le bagana, sans être un instrument liturgique à proprement parler, est étroitement associé à la foi. Moyen privilégié de connexion avec le Divin, il protège du diable : celui-ci recule lorsqu’il est en présence de l’instrument.
Le bagana est capable d’apaiser les souffrances. Ainsi, les représentations éthiopiennes de la mort de la Vierge Marie montrent souvent le roi David jouant du bagana, pour assister la Mère de Dieu et soulager sa douleur. Instrument de l'intime (même lorsqu'il est joué en public), le bagana ne s’accompagne que de la voix chantée. Les textes des chants sont composés de poèmes à sens caché (le « cire et or », central dans la culture Amhara), ou de prières.
Avec ses dix cordes de boyau, le bagana génère, par un procédé simple (de petits morceaux de cuir placés entre les cordes et le chevalet), des sons graves et d’une très grande richesse acoustique. Riche d’une histoire séculaire (son existence avérée remonte au moins au XIIIème siècle), le bagana connaît actuellement un regain de popularité, après les années du Derg (1974-1991) durant lesquelles sa pratique fut découragée - ou détournée.
Alemu Aga est le dépositaire de la tradition du bagana : né en 1950, il se forme dès l'âge de douze ans auprès d'un maître célèbre. Tout entier dévoué à la transmission de son art, il a enseigné le bagana à la Yared Music School (école nationale de musique), puis accueilli pendant des décennies élèves et jeunes musicien.ne.s dans son magasin d'Addis Abeba. Il a sillonné son pays et le monde pour faire connaître et vivre cet instrument envoûtant.
Stéphanie Weisser
En partenariat avec le Centre des monuments nationaux, dans le cadre du 24e Festival de l'Imaginaire
Cycle « Musiques, danses et rituels : les pouvoirs du son »