Spectacle surtitré en français
En fond de scène, un paravent ; au sol, une grande natte sur laquelle se dresse la chanteuse de pansori vêtue d’une longue et ample robe blanche ; à ses côtés, le gosu assis en tailleur devant son tambour buk. Attentif aux moindres gestes de la chanteuse, à ses plus légères inflexions vocales, il participe à la mise en musique et en bruits du récit tout en l’encourageant par ses exclamations. Pour tout accessoire, la chanteuse a un éventail qui devient tour à tour bâton, cheval, lettre, coupe d’alcool, ombrelle, montagne ou rivière.
C’est dans ce dispositif léger, conçu pour un art autrefois nomade, que la chanteuse s’empare de son auditoire et ne le lâche plus pendant des heures. Tour à tour narratrice, comédienne, chanteuse, elle fait surgir une galerie de personnages : des hommes et des femmes de toutes classes sociales, nobles, fonctionnaires et paysans, bonzes et chamanes, roturières et courtisanes… Sa voix puissante tantôt raffinée, tantôt gouailleuse, ses gestes chorégraphiés plongent le public dans le rire, les pleurs, l’indignation, la moquerie ou l’étonnement… Plus encore, cette voix que les chanteuses devaient autrefois casser en essayant de couvrir le bruit d’une cascade pour obtenir ce timbre particulier, c’est celle de la chamane dans le rituel pour les morts, une voix qui remue l’âme et fait surgir cette mélancolie, cette colère mêlée de résignation et de délectation morose que les Coréens appellent han, terme intraduisible de par la complexité des sentiments qu’il exprime.
Les histoires exaltent les vertus morales telles que l'amour filial, la fidélité, la piété, le respect de l'autorité et le sens du devoir, mais introduisent en même temps une critique sociale, une réflexion sur l’injustice du monde, un certain fatalisme. Lee Myeng-kook interprétera des extraits de deux récits qui illustrent des facettes différentes de cet art. Le premier, Le Chant de Chunhyang, est le plus célèbre ; il s’agit d’un mélodrame entre un étudiant et une fille de courtisane dont l’amour est contrarié par un gouverneur félon ; le second, Le Chant de Heungbo, relève de la fable morale et du comique paysan avec ses scènes pleines de malice. Un surtitrage permettra au public de suivre les multiples rebondissements du récit. À lui d’encourager l’artiste comme cela se fait en Corée : Geureochi ! Jotta ! Jalhanda ! Bravo ! Continue ! Tu es la meilleure !…
Lee Myeng-kook (1962-) a été formée par deux maîtres de pansori historiques, Jeong Gwang-su (1909-2003) et Seong Woo-hyang (1935-2014). Elle est reconnue comme l’une des plus grandes chanteuses de pansori de sa génération et l’une des rares capables d’interpréter les cinq drames du répertoire dans leur intégralité.
Pierre Bois