Les territoires du patrimoine culturel immatériel
Colloque international du CFPCI

Jeudi 5 et vendredi 6 octobre 2017 - Vitré

Les territoires du patrimoine culturel immatériel 6e séminaire international du CFPCI

En se saisissant de la question du territoire, envisagée sous plusieurs angles et sans poser a priori sa définition, ce colloque se propose d’engager une forme de bilan politique du patrimoine immatériel.

  • Jeu 05 oct 2017 à 14:00 - Vitré, Château de Vitré

Dans un article incisif publié en 2011, Valdimar Hafstein a problématisé la question patrimoniale à partir du couple territoire-communauté. Plus précisément, en point d’orgue d’une analyse par laquelle il avance que l’émergence du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle a eu pour effet de désigner en creux les cultures populaires comme ce qui reste et comme relevant en conséquence du domaine public, il opère une distinction dans les politiques patrimoniales : alors que le mobile politique du patrimoine est, historiquement, le territoire, celui du patrimoine immatériel serait la communauté. L’avènement de cette dernière catégorie marquerait la volonté étatique de gérer la « culture résiduelle », laquelle serait représentée par des sujets collectifs singularisés, les communautés. Ainsi le PCI procéderait de la gestion des différences (culturelles) et de l’assujettissement des populations.


Cette thèse est rejointe par les analyses d’anthropologues qui, études de cas à l’appui, montrent qu’en dépit des fameuses injonctions à la participation et à l’expertise des « communautés » contenues dans la Convention de 2003, le patrimoine immatériel concourt à la nationalisation de la culture populaire. Comme le remarque ironiquement Dorothy Noyes, si démocratisation il y a, elle est conduite de façon bien étatique…S’il est clair que le couple territoire-communauté est travaillé sous l’égide de l’État, on est tenté d’avancer que la distinction proposée par Hafstein est un peu vaine. Que l’on envisage le patrimoine, tout le patrimoine, comme un instrument de gouvernementalité, au sens de Foucault, il est alors difficile de dissocier les populations à administrer des territoires qu’elles habitent – quand bien même le territoire ne serait pas la visée essentielle de l’État gouvernemental. Que l’on fasse l’hypothèse que, malgré tout, les communautés disposent d’une marge de manœuvre et que le patrimoine immatériel est un instrument de changement voire un outil d’émancipation, il est alors nécessaire de saisir dans quelles formes de territorialité ces processus sont susceptibles de s’accomplir. Enfin, que l’on considère le patrimoine ou la culture comme une ressource ou comme une marque, on voit bien qu’il s’insère dans une conception de la territorialité pensée en termes de trajectoire, de compétition et de compétitivité, et pour laquelle joue à plein la promotion des localités et des singularités. Bref, autant les populations n’ont jamais été absentes des visées des politiques du patrimoine – la nation est une entité autant symbolique que géographique, et désigne une communauté singulière –, autant le territoire, qu’il soit considéré comme une surface délimitée par une frontière ou comme « une liste d’entités dont on dépend » (Latour), pratiquée par une diversité d’êtres, qu’il soit donc cartographié et inventorié ou bien vécu, habité et éprouvé, reste un cadre pertinent pour comprendre l’essor de l’intérêt pour « l’immatérialité culturelle ».

En se saisissant de cette manière de la question du territoire, et sans poser a priori sa définition, ce colloque se propose d’engager une sorte de bilan politique du patrimoine immatériel. Pour le dire sans doute de manière un peu brute, qu’il conviendra de nuancer ou d’accentuer, qu’en est-il aujourd’hui, alors qu’elle est entre les mains des États depuis une quinzaine d’années et qu’elle connaît un certain succès public, de cette catégorie, dont on a espéré qu’elle soit un moyen de reconnaissance de formes culturelle minorisées ou délégitimées, dont il est très vite apparu qu’elle était en même temps un commode et peu coûteux instrument de contrôle des populations, et dont sa saisie néolibérale, tout aussi concomitante, en tant qu’agent de marketing territorial, est aujourd’hui une évidence ?
Cette interrogation pourra être déployée sous plusieurs angles :
 
– celui des territoires administrés, des niveaux d’intervention et des dispositifs participatifs mis en place
– celui de la circulation et du partage des cultures
– et des items patrimoniaux
– entre territoires délimités
– celui du rôle des patrimoines immatériels dans les processus de territorialisation
–  déterritorialisation
– reterritorialisation, de composition des territoires
– relativement aux épreuves d’ajout et de retrait de la liste des entités dont on dépend (Latour)
– celui de la contribution des patrimoines immatériels aux politiques dites de développement (défini comme territorial, durable, etc.), voire de transition (désignée comme sociale, écologique, etc.) ou, visée plus radicale voire opposée, à l’invention d’une autre manière de faire monde ou d’un autre monde.

Intervenants

Eric Alendroit, chargé de mission, chercheur au Service régional de l'inventaire, Région Réunion

Panayiota Andrianopoulou, archéologue, ethnologue, expert pour le patrimoine culturel immatériel, ministère hellénique de la Culture

Rémi Bénos, géographe, maître de conférences, Institut national universitaire Champollion

Séverine Cachat, directrice de la Maison des Cultures du Monde, Centre français du patrimoine culturel immatériel

Nicolas Canova, géographe, maître assistant à l'École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille, chercheur au LACTH

Isabelle Chave, conservateur en chef du patrimoine, adjointe au directeur du département du Pilotage de la recherche et de la Politique scientifique, direction générale des Patrimoines, ministère de la Culture

Caroline Darroux, anthropologue, coordinatrice scientifique de la Maison du Patrimoine oral de Bourgogne, chercheure associée au Centre Georges Chevrier (université de Bourgogne)
Véronique Dassié, chargée de recherche à l'Idemec, CNRS, Université Aix-Marseille

Alessi dell'Umbria, réalisateur, essayiste

Pascal Erhel Hatuuku, directeur de l’ONG Motu Haka, Fédération culturelle et environnementale des îles Marquises en Polynésie française

Hervé Parent, directeur de l’association KaRu prod

Charles Quimbert, directeur de Bretagne Culture Diversité

Rieks Smeets, linguiste, consultant, chef de la section du Patrimoine culturel immatériel à l’Unesco et secrétaire de la Convention pour la sauvegarde du PCI de 2003 à 2008

Jacopo Storari, doctorant en anthropologie, Centre Georges Chevrier (université de Bourgogne)

Jean-Louis Tornatore, anthropologue, professeur, Centre Georges Chevrier (université de Bourgogne)

Kia Tsakiridis, chef de projet, Tapis plein (Bruges)

Ariane Zevaco, ethnomusicologue, chargée de programmation à la Maison des Cultures du Monde

Informations pratiques

Dans le cadre du 21ème Festival de l'Imaginaire
Avec le soutien du ministère de la Culture/direction générale des Patrimoines et de la Ville de Vitré
En collaboration avec le Centre Georges Chevrier de l'université de Bourgogne

Comité scientifique et d'organisation: Nolwenn Blanchard, Séverine Cachat, Isabelle Chave, Jacopo Storari, Jean-Louis Tornatore

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