Moins connues que les bunraku avec lesquelles elles partagent les mêmes origines, les bunya ningyo sont des marionnettes hautes de 80 cm environ, elles ont une tête finement sculptée et sont parées d’élégants kimonos. Leur gestuelle gracieuse, toute en précision et retenue, dénuée de tout pathos, captive le spectateur qui se laisse volontiers envoûter par l’atmosphère raffinée des représentations. Un seul manipulateur est requis pour chaque marionnette : celui-ci glisse sa main droite dans la manche droite du kimono de la marionnette, tandis que sa main gauche soutient la tête sous les vêtements. Il est quasi tenu de suivre les mouvements de celle qu’il tient proche de son coeur. Il fait corps avec elle. Elle se nourrit de son énergie pour émerveiller le spectateur. Le répertoire qui reprend des extraits du Dit du Genji ou d’autres récits épiques, et d’où le surnaturel n’est jamais absent, amplifie cette impression de merveilleux.
Descendantes des boules de chiffon dont certains moines itinérants eurent l’idée de coiffer l’extrémité de leur bâton de marche qu’ils frappaient sur le sol en récitant et scandant les versets sacrés du bouddhisme, elles se sont développées à partir du XVIe siècle. Au début de l’époque d’Edo, les spectacles de marionnettes, ningyô-jôruri, attirent un nombre important de spectateurs. Deux styles de récitants rivalisent alors, celui de Bunya, à la fois plaintif et aigu, et celui de Gidayû, plus jeune et plus énergique. C’est ce dernier qui l’emportera, son style sera adopté par le bunraku. Bunya se retire, son style déserte alors les villes et n’est plus perpétué qu’en province.
L’art de la marionnette bunya ne subsiste plus au Japon que dans quatre localités situées notamment dans les départements de Kyushu et de Ishikawa, mais aussi sur l’île de Sado où, jusqu’à l’ère Meiji (1868-1912) la tradition a été maintenue par des récitants aveugles, ce qui a sans doute permis que le chant accompagné au shamisen conserve une telle qualité.
Nishihachi Hachirobe (Takeshi Nishihachi) a passé neuf ans dans le théâtre Bunraku d’Osaka. En 1979, il décide de quitter cette voie royale pour s’installer à Sado et s’initier à la marionnette bunya. En 1984, en collaboration avec le récitant Nagao Kangetsu, il remonte « Shinoda-zuma » (La Femme Renarde), une pièce qui n’avait pas été jouée depuis plus de 50 ans. C’était le premier pas dans la voie du renouveau du jôruri ancien. Même s’il s’inscrit toujours dans une longue tradition, Nishihashi Hachirobe est convaincu de la nécessité de renouveler le potentiel de ces marionnettes, leur redonner vie avec des mises en scène refondées, et surtout revenir à des marionnettes fidèles à celles jadis utilisées.
Pour Takeshi Nishihachi jouer sous le chapiteau des Romanès, c'est retrouver « un cadre rappelant les installations des berges du quartier de Shijô à Kyôto au début du XVIIe siècle, un défi passionnant ».
Deux programmes en alternance
Genji Eboshi Ori, la coiffe cornée du Sieur Genji
Durée 90 mn - spectacle surtitré en français
Vendredi 7 et samedi 8 octobre 2016 à 20h30
Cette pièce a été écrite en 1690 par Chikamatsu Monzaemon (1653-1724). Elle s’inspire du conflit qui opposa les clans Genji (Minamoto) et Heike (Taira) au XIIe siècle. Au jour de l’an 1160 Taira Kiyomori vient adresser ses voeux à l’empereur retiré Go-shirakawa. Il prie pour la paix et pour que les Minamoto, ses rivaux, soient éloignés du pouvoir. Mais l’empereur regrette feu son ministre Minamoto Yoshitomo et il ordonne qu’un panneau célébrant sa mémoire soit dressé dans le temple Suzaku et que ses enfants reçoivent une bonne éducation. La femme de Yoshitomo vit cachée à Kyôto avec ses trois enfants. Kiyomori ordonne leur capture. Tokiwa parvient à échapper à ses ravisseurs, elle se réfugie dans un village des environs de Kyôto. Les années passent. Ushiwaka, l’un de ses trois enfants, a grandi. Kiyomori a demandé d’être immédiatement informé quand le jeune homme réclamerait l’eboshi, la coiffe qui marque le passage à l’âge adulte. Ushiwaka se rend à l’échoppe d’eboshi de Gorotayu. Il y rencontre Shinonome, la fille du marchand, et c’est le coup de foudre. Ils échangent leurs voeux le soir même. Mais des hommes de troupe surgissent pour s’emparer d’Ushiwaka et les deux amants n’ont que le temps de s’enfuir. Travestie en homme, Shinonome rejoint la suite d’Ushiwaka en partance pour Togoku. Ushiwaka va peu à peu réunir de nombreux partisans et devenir un des plus grands chefs de guerre du clan Genji: Minamoto no Yoshitune. Quelques années plus tard il vaincra les Taira à la bataille navale de Dan-no-Ura.
Shinoda-Zuma, la femme renarde
Durée 60 mn - spectacle surtitré en français
Samedi 8 et dimanche 9 octobre à 18h00
Cette pièce du XVIIe siècle s’inspire d’une légende sur les origines surnaturelles d’un célèbre astrologue, Abe no Seimei. Abe no Yasuna sauve la vie d’une renarde blanche poursuivie par des chasseurs dans la forêt de Shinoda. Blessé, Yasuna est ramené chez lui et soigné par une superbe jeune fille, Kuzunoha. Ils s’aiment, ils se marient. Un jour que Yasuna est aux champs et que leur fils dort, Kuzunoha s’installe à son métier à tisser. Mais son regard est attiré par des chrysanthèmes et, toute à sa contemplation, elle reprend sa forme de renarde. Doji s’éveille et prend peur. Kuzunoha est démasquée, elle doit retourner dans la forêt. Elle laisse une lettre pour son mari et s’en va. À son retour, Yasuna découvre par la lettre la vraie nature de son épouse. Mais il décide de partir en forêt pour la ramener. L’enfant insiste pour l’accompagner. Ils errent en vain dans la forêt pendant plusieurs jours. Désespérés ils veulent mourir, mais au moment où Yasuna brandit son couteau, la renarde intervient et se change une dernière fois en femme, elle prédit que son fils Doji deviendra un savant astrologue, puis elle disparaît pour toujours.