L'Église éthiopienne monophysite est sans aucun doute celle qui est restée la plus proche du christianisme des origines, fortement imprégnée de judaïsme à tel point que l'on peut ici réellement parler de traditions judéo-chrétiennes perpétuées jusqu'à nos jours. Le Synaxarium éthiopien revendique clairement l'essence divine de la musique religieuse. Depuis la fondation de l'Académie musicale par saint Yared à Bétä Qätin, en passant par la floraison d'importants centres liturgiques dans d'autres régions, comme Gondar, et jusqu'à la fondation du Collège Théologique à Addis-Abeba, l'Église éthiopienne a toujours fait le nécessaire pour maintenir cet héritage et elle a su développer une liturgie distincte, avec sa propre langue, le geez (langue classique sabéenne), ses propres saints, ses rituels et sa tradition musicale. Le Choeur Saint Yared dirigé par le révérend Dimetros Woldu est composé de douze diacres rattachés à différentes paroisses d'Addis Abeba et de ses environs. En plus des deux tambours käbäro, les diacres accompagnent leurs chants du rythme des sistres (tsänatsel) et du mäqwamya ou canne de prières.
La liturgie gagne en solennité quand ils exécutent les mouvements hiératiques des danses. Le voyageur en Éthiopie ne peut rester insensible à la ferveur religieuse des Éthiopiens, nourrie à la fois de légendes, d'espoirs en un au-delà de clémence, de dignité malgré une grande pauvreté. Il suffit de passer devant une église pour voir les fidèles qui se pressent pour assister aux offices. Et quand il ne reste plus de place à l'intérieur de l'église, les fidèles n'en sont pas pour autant découragés, ils prient à l'extérieur, le front appuyé contre le mur de l'église, ou bien, orants, bras ouverts, faisant monter leurs suppliques silencieuses vers le ciel. Les fêtes religieuses ponctuent la vie des Éthiopiens des Hauts-Plateaux.
Elles sont l'occasion de rassemblements hauts en couleur, de processions magnifiques où les prêtres, dans leurs grandes robes, parés de leurs toges, sous leurs ombrelles aux broderies et couleurs chatoyantes ramènent le spectateur à des temps bibliques. Le christianisme fit son apparition en Éthiopie au IVe siècle.
En 303, Ezome, roi d'Axoum qui règne aussi sur une partie de l'Arabie du Sud et conquiert Méroé, se convertit au christianisme grâce à l'intervention de deux jeunes prisonniers syriens, Frumentius et Aidesios, chargés de fonctions cléricales à la cour. L'un d'eux, Frumentius, deviendra le premier évêque et place l'Église éthiopienne sous l'autorité de l'Église copte d'Égypte. En 451 le concile oecuménique de Chalcédoine condamne la doctrine monophysite qui affirme l'union du divin et de l'humain dans le Christ en une seule nature. L'Église d'Égypte reste fidèle au monophysisme et entraîne à sa suite l'Église d'Éthiopie. Cette situation perdure jusqu'au jour où l'empereur Hailé Sélassié obtient des autorités ecclésiastiques d'Alexandrie l'autonomie de l'Église éthiopienne. Le premier archevêque de nationalité éthiopienne est nommé patriarche en 1959. L'évangélisation de l'Éthiopie prend son essor vers la fin du Ve et le début du VIe siècle grâce à l'arrivée de missionnaires venant du Proche-Orient dont les célèbres "Neuf Saints Romains" considérés aujourd'hui encore comme les véritables pères fondateurs de l'Église éthiopienne. C'est à cette période aussi qu'apparaissent les premières communautés monastiques qui traduisirent du grec en geez la Bible et le Nouveau Testament. Le corpus de prières a été constitué à partir des sources bibliques, mais la musique liturgique zéma est plus récente. Selon ses dépositaires, elle est spécifique à double titre : d'abord comme musique de l'Église éthiopienne et ensuite parce qu'elle se distingue des autres traditions musicales du pays. Le Synaxarium éthiopien revendique clairement l'essence divine de la musique liturgique. Pourtant, il apparaît clairement que le deggwa, l'antiphonie éthiopienne, fut définitivement établi dans la deuxième moitié du XVIe siècle, avec les débuts de la notation neumatique.
Pourtant, la musique que l'on entend aujourd'hui est considérée comme fidèle à celle transmise par Saint Yared. La tradition musicale est basée sur des sources écrites aussi bien qu'orales. Il ne suffit pas d'étudier le deggwa, la transmission orale de génération en génération a joué son rôle. L'enseignement passe d'abord par celui du geez (langue classique sabéenne qui est aussi la langue de la liturgie) et par un entraînement au chant qui commence dès l'enfance. Les étudiants en chant (däqä mezmur) deviennent chanteurs (däbtära) et certains accéderont au niveau du maître (märigéta). L'enseignement a lieu dans les écoles de danse liturgiques, les aqwaqwam bét, où l'étudiant apprend à jouer des instruments (le käbäro, tambour, les tsänatsel, sistres et le mäqwamya, la canne de prière) et à exécuter les chorégraphies sacrées.
On considère que l'apprentissage arrive à son terme quand l'étudiant maîtrise l'art du qené, un genre poétique et religieux riche et complexe. Les chants religieux (zema) sont exécutés par les däbtära sous la direction du maître. C'est lui qui entonne les prières , suivi par le récepteur et enfin par les chanteurs, généralement des diacres, qui sont divisés en deux choeurs qui chantent alternativement et à l'unisson.Les danses peuvent s'ajouter au chant ; les célébrations ou processions religieuses sont parfois de véritables spectacles de danse où tout le monde est en mouvement et frappe des mains. C'est le moment où la liturgie est particulièrement solennelle et spectaculaire. Il va sans dire que la musique liturgique de l'Église, qui est largement diffusée dans les villes et les villages par les hauts-parleurs, est une des manifestations les plus directes et évidentes de la présence et de l'importance du christianisme en Éthiopie.
Programme
1. MESMAK et SBKET
Cantique chanté par un soliste a cappella (Psaume 71:10)
2. ESMELEALEM
Cantique chanté en trio (Matthieu I:1, I:18 et Luc II:1)
3. MELTAN (Angergari) suivi d'un ZEMAME
Le meltan est chanté par cinq diacres disposés en croix, pour les fêtes des saints, de la Vierge. Le zemame est accompagné du signe de croix accompli avec le bâton de prière (Matthieu I:1 et Luc II:1)
4. TSIFAT (rapide)
Le chant choral est accompagné par les deux tambours.
5. WOREB (littéralement : mouvement des pieds)
Chant accompagné de la danse.
6. ARARAY
7. TSIFAT suivi d'un WOREB
Chant choral accompagné par les tambours suivi d'une danse.