Carte blanche à Waed Bouhassoun
Les événements dramatiques qui sévissent en Syrie ont fait découvrir en France la multiplicité des ethnies qui co-habitent dans cette région. Le Festival de l’Imaginaire m’a invitée l’année dernière à participer à un concert illustrant une partie de cette diversité.
Cette année, cette Carte Blanche me permet de prolonger ce panorama, mais il m’est tout de suite apparu qu’il était impossible de couvrir en quelques heures de concert la multiplicité d’expressions musicales qui se côtoient en Syrie et dans le reste du Proche et Moyen-Orient. Aussi ai-je limité mon choix à celles dont je connaissais les interprètes, pour avoir joué avec eux ou parce que des connaissances communes me les avaient fait découvrir.
Les artistes que j’ai choisis ont dû, pour certains d’entre eux, quitter leur pays et se réfugier en Europe. Les autres vivent toujours dans leur ville d’origine et ont accepté de venir témoigner de leur art.
Waed Bouhassoun
Chants des Églises d'Orient
D’après les Actes des apôtres, c’est à Antioche que les disciples de Jésus furent appelés « chrétiens » pour la première fois (Actes 11:26). Située sur la frontière turco-syrienne actuelle, cette ville était jadis le siège d’un important patriarcat.
Pour des raisons doctrinaires et linguistiques, ce patriarcat s’est scindé en cinq églises locales : grecque catholique, grecque orthodoxe, syriaque orthodoxe, maronite et syriaque catholique, les deux premières utilisant le grec et les trois autres le syriaque issu de l’araméen, langue de Jésus. Au cours des derniers siècles, s’y est adjointe aussi la langue arabe. Quant à la musique liturgique de ces églises, elle est monodique et modale, comme celle des autres traditions musicales d’Orient, mais elle a développé des styles et des formes spécifiques.Au moment où ces traditions musicales sont menacées d’extinction, ce concert vise à réaffirmer la vitalité de ces musiques liturgiques même si elles sont bien souvent condamnées à la clandestinité. Recourant à l’improvisation et à l’échange entre ces diverses expressions, il reprend le schéma général de la profession de foi chrétienne à travers des cantillations, des chants, des emprunts aux traditions copte et grégorienne et un poème chanté soufi sur la Nativité avant de s’achever par une improvisation sur l’invocation apocalyptique : « Et l’Esprit et l’épouse disent : Marana ta ! Viens ô Seigneur ! ».
Les interprètes appartiennent à l’Ensemble musical ecclésiastique levantin de l’Université Antonine. Sous l’impulsion du musicologue et musicien Nidaa Abou Mrad, cette université libanaise mène depuis plus d’une décade des recherches musicologiques approfondies sur les traditions musicales du Levant et réinvestit ces recherches dans la pratique musicale vivante, avec des chantres, des chanteurs et des instrumentistes expérimentés, tels que le chantre byzantin Mikael Hourani, le chanteur et luthiste arabe Mohammad Ayach et la chanteuse syriaque Najwa Habchi.
d’après Nidaa Abou Mrad